Le harcèlement « moral » peut être commis par une personne « morale » !

X min de lecture

Aujourd’hui, on revient sur un récent séisme en droit du travail, avec l’arrêt de la Cour de cassation rendu le 21 janvier 2025 (n° 22-87.145).

Pour rappel, le harcèlement moral est défini par l’article 222-33-2 du Code pénal comme des « (…) comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (…) ».

En l’espèce, l'arrêt concernait la tristement fameuse affaire France Telecom. Dans cette entreprise, récemment privatisée, le mot d'ordre donné aux manager était de faire sortir les salariés, coûte que coûte, « par la porte », ou, à défaut, « par la fenêtre ». Tout un programme...

Une des difficultés soulevées était cependant celle de rattacher l’infraction à des individus précis, dès lors que ce harcèlement était conçu comme une politique structurelle.  

Une personne morale, ici, une entreprise, peut-elle avoir … des intentions ?

La Cour de cassation a « vulgarisé » sa position :

« La loi :

  • n’impose pas que les agissements répétés s’exercent à l’égard d’une victime déterminée ;
  • n’impose pas que les agissements répétés s’exercent dans une relation interpersonnelle entre l’auteur et la victime > le fait qu’auteur et victime appartiennent à la même communauté de travail est suffisant.

La loi permet de réprimer les agissements répétés qui s’inscrivent dans une « politique d’entreprise », c’est-à-dire l’ensemble des décisions prises par les dirigeants ou les organes dirigeants d’une société visant à établir ses modes de gouvernance et d’action. »

C'est une position très ingénieuse qu’a adoptée la Haute Juridiction. Elle a reconnu qu’un mode de management peut être harcelant, sans que ces faits de harcèlement n’aient à être rattachés aux agissements commis en connaissance de cause par une seule personne physique. Dès lors que le harcèlement existe et qu’il est institutionnalisé, et il entraîne la responsabilité de ses dirigeants.

Cette décision constitue une avancée sociale majeure, protégeant les salariés des pratiques managériales harcelantes, en vigueur dans certaines entreprises.

Justice a donc été rendue pour les salariés de France Telecom.

Les dirigeants d’une personne morale pourront donc désormais être condamnées pour avoir les faits de harcèlement moral institutionnels commis.

De bien beaux mots, pour une situation si « immorale »...

Découvrir d'autres articles

X min de lecture

Parité femmes-hommes : même les listes incomplètes doivent la respecter

La Cour de cassation a rendu, le 1er octobre 2025, un arrêt important pour les élections professionnelles : même une liste syndicale incomplète doit respecter la parité femmes-hommes (Cass. soc.,n° 24-60.189).

Lors des élections du CSE, la CFDT avait présenté une liste comportant uniquement deux candidats hommes, alors que le collège électoral comptait 41,67% de femmes et 58,33 % d’hommes. Ces deux candidats ont été élus dès le premier tour. Une candidate d’un autre syndicat a contesté l’élection, estimant que la règle de proportionnalité n’avait pas été respectée.

Le tribunal judiciaire avait validé les résultats. Mais la Cour de cassation a annulé l’élection : même une liste incomplète doit refléter la proportion femmes-hommes du collège électoral, conformément aux articles L.2314-30 etL.2314-32 du Code du travail.

En pratique :
• Une liste incomplète est autorisée, mais elle doit respecter la proportion femmes-hommes.
• Si la proportion n’est pas respectée, les élus du sexe surreprésenté verront leur élection annulée.

➡️ À retenir : la parité n’est pas une option, même pour une liste incomplète. Les syndicats doivent donc composer leurs candidatures avec une vigilance accrue.

X min de lecture

Télétravail et tickets restaurant : l’égalité enfin confirmée

Les salariés en télétravail ont-ils droitaux tickets restaurant ? La question a longtemps divisé les entreprises. Maisla Cour de cassation a tranché le 8 octobre 2025 : oui, les télétravailleursdoivent bénéficier du même avantage que leurs collègues sur site (Cass. soc.,n° 24-12.373).

M. G., salarié en télétravail entre 2020 et 2022, ne recevait plus detitres-restaurant. Il a saisi les prud’hommes, qui lui ont donné raison.L’employeur a contesté, sans succès : la Cour de cassation a confirmé la décision.

L’article L.1222-9 du Code du travail prévoit que le télétravailleur disposedes mêmes droits que le salarié présent dans l’entreprise. Et selon lesarticles L.3262-1 et R.3262-7, la seule condition pour bénéficier de ticketsrestaurant est que le repas soit compris dans la journée de travail.

En clair : travailler à distance ne retire pas le droit à cet avantage.

Ce qu’il faut retenir :
• Le télétravail ne doit pas réduire les droits des salariés.
• Les avantages du travail sur site (comme les tickets restaurant) s’appliquentaussi au télétravail.
• Un refus de l’employeur constitue une inégalité de traitement.

➡️ À retenir : télétravailler ne change rien à vos droits, ni à votre pausedéjeuner !

X min de lecture

Transaction en droit du travail : un délai de 5 ans pour contester

Quand un conflit entre un salarié et son employeur se termine par une transaction, on pense souvent que tout est définitivement réglé. Pourtant, la Cour de cassation vient de rappeler que la porte n’est pas totalement fermée : le salarié dispose de cinq ans pour contester cette transaction, et non deux comme on le croyait parfois (Cass.soc., 8 oct. 2025, n° 23-23.501).

La transaction est un accord amiable par lequel salarié et employeur mettent fin à un différend, souvent en échange d’une somme d’argent. En signant, le salarié déclare être satisfait et renonce à toute autre réclamation.

Mme N., employée de Pôle emploi (devenu France Travail), signe une transaction en 2015. Trois ans plus tard, elle saisit les prud’hommes pour l’annuler, estimant avoir subi un harcèlement moral. La cour d’appel rejette sa demande, jugeant qu’elle est prescrite : pour elle, le délai est de deux ans. Mais laCour de cassation n’est pas du même avis.

Les juges expliquent que la contestation d’une transaction ne relève pas du contrat de travail, mais du droit civil, puisqu’il s’agit d’évaluer la validité d’un accord. Elle obéit donc au délai de prescription de cinq ans prévu par le Code civil.

Concrètement :
• Action liée au contrat de travail (licenciement, salaire impayé…) → 2 ans (Code du travail)
• Action portant sur la transaction (annulation de l’accord signé) → 5 ans (Code civil)

➡️ À retenir : une transaction peut être contestée pendant cinq ans si lesalarié estime qu’elle a été signée sous pression, par erreur ou dans des conditions irrégulières.